À Villefagnan le 20 novembre 2019
Semis contrariant d’un champ d’épeautre bio en automne
Je suis parti au petit matin pour les terres de Charente. J’ai rendez-vous avec François et Cécile sur la ferme de Chassagne en la commune de Villefagnan près de Ruffec. Le ciel est d’un bleu délavé et la température hivernale. Cela fait quelques jours que le temps est clément après plusieurs semaines de pluies intenses. Sur ma route, les tracteurs sont à l’œuvre pour les labours et les semis d’automne. Ils profitent de l’opportunité céleste pour rattraper le temps perdu. De nombreux champs n’ont pas encore été ensemencés et bientôt, il sera trop tard.
Le champ fait six hectares et est bordé de haies vigoureuses que le père de François a implantées, il y a longtemps déjà.
François et Cécile sont à la tête d’une belle ferme qui cultive des céréales, des légumes secs et du tournesol en agriculture biologique. Ce sont des « harmoniculteurs » et c’est un premier contact. Le jour n’est pas favorable car il reste des hectares à emblaver et François n’aura pas de temps à me consacrer. Cécile doit de toute urgence enregistrer sa comptabilité. J’ai la sensation de déranger et je les rassure, je saurais me faire tout petit. Je viens pour filmer les semis de céréales. Ils n’auront qu’à faire comme si je n’étais pas là.
François est préoccupé. Le semis de la parcelle d’épeautre se présente mal. La terre colle terriblement et il va être impossible de faire glisser les graines depuis la trémie du semoir dans les goulottes jusqu’aux peu profondes lignes de semis. La conduite d’une parcelle en agriculture biologique prévoit un bel écartement entre les rangs de céréales. La technique demande de ménager un espace suffisant pour laisser passer les dents de la herse étrille ou encore de la bineuse. Les désherbants chimiques sont totalement proscrits.
le semoir glisse avec élégance sur le beige des petites mottes sèches et déroule sous lui la couleur brune de la terre fraîchement remuée.
Pour la culture, c’est le temps qui commande et désormais ce temps manque cruellement. Il faut semer coûte que coûte. François prévoit de pratiquer presque qu’à la volée, c’est-à-dire de déposer les graines au sol sans qu’elles empruntent les socs du semoir et de les enfouir par le passage des griffes situées en arrière. Tant pis pour la future concurrence dommageable des herbes folles avides de lumière et de nutriments, l’épeautre devra faire avec.
François m’envoie dans la parcelle située derrière le petit bois, je n’aurais qu’à l’y attendre. Le champ fait six hectares et est bordée de haies vigoureuses que le père de François a implantées, il y a longtemps déjà.
Je sors mon matériel, caméra sur stabilisateur électronique et drone. Je suis prêt.
François surgit du bois au volant d’un énorme tracteur lesté sur son arrière d’un semoir de 4 mètres de large. Il se place en bordure du champ, descend son semoir sur le lit de semences puis avance de quelques mètres avant de quitter la cabine pour vérifier que tout se passe comme souhaité. C’est loin d’être le cas.
La terre humide a obstrué les goulottes du semoir.
La terre humide a alourdi mes bottes d’énormes et nouvelles semelles. Elle a aussi obstrué les goulottes du semoir.
Retour piteux sous le hangar pour un débouchage en règle. La vie du paysan est émaillée de contrariétés que la nature s’évertue à lui imposer.
On gratte, pousse, perfore avec des fils de fer pour chasser la terre collante.
Sous le hangar, on rapatrie du monde, le père de François et le salarié. On gratte, pousse, perfore avec des fils de fer pour chasser la terre collante.
Il est bientôt temps de déjeuner. Pas de semis ce matin.
Les heures passant, les effets bénéfiques du soleil assèche les premiers centimètres du sol si humide aux premières heures du jour. C’est de retour triomphant du semoir pour féconder la terre.
Il glisse avec élégance sur le beige des petites mottes sèches et déroule sous lui la couleur brune de la terre fraichement remuée.
Dans le silence des prochains jours, l’humidité réveillera les grains.
© Patrice P.